Niches

Niche

subst. fém.2

A. – ARCHIT. DÉCOR. Emplacement creux, enfoncement pratiqué dans l’épaisseur d’un mur pour y loger une statue, un objet décoratif ou un objet quelconque […]
Par analogie Anfractuosité, enfoncement; abri naturel dans une paroi rocheuse […]

B.Par analogie

1. Petit réduit pratiqué dans une pièce, un appartement pour y loger, y dormir […]

2. Petite cabane servant d’abri à un chien de garde ; meuble portatif destiné à un chien d’appartement […]
– La niche (fam.) Le logement […]

3. ÉCOLOGIQUE. Niche écologique. Place qu’occupe une espèce vivante à l’intérieur d’un écosystème […]

Des mots pour dire l’habitat, l’habitation, il y en a beaucoup :

« Chacun d’entre nous, lorsqu’il parle de son logement, utilise des termes, qu’il juge synonymes, comme “appartement”, “maison”, “logis”, “chez-soi”. Parfois, il emploie des mots plus familiers, comme “crèche”, “pénates”, “piaule”, “nid”, “niche”, “repaire”, “baraque”. Quoi qu’il en soit, l’abri, qu’il soit solide et permanent, en dur ou non, mobile ou non, précaire ou protégé et garanti, semble bien être un invariant anthropologique ».1

 

À Bruxelles, des niches meublées, j’en ai vu beaucoup.

Un jour, en allant vers la Gare du Midi

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Est-ce que ces niches brisent les limites – fictives, artificielles – entre public et privé ?

Et ouvrent des possibilités – réelles, précaires – de rencontre ?

 

Ou bien sont-elles simplement des niches de survie, une adaptation  forcée à l’inhabitabilité de la ville ?

 

Je ne sais pas.

 

Le chez-soi est cet espace identitaire où commence la relation avec soi-même et avec les autres.

Est-ce que ces niches sont autant de chez-soi pour les personnes qui y ont laissé leurs cartons ?

 

Vus de loin, tous les cartons se ressemblent.

Ces cartons n’ont pas de visage, mais ils portent les signes des corps qu’ils ont abrités. Les traces de ces corps les rendent tous différents.

 

Je suis retournée quelques fois en Italie.

Un jour, dans l’entrée de la maison où habitent mes parents, quelqu’un avait rangé des cartons. Ce geste qui plie et replie la matière.

J’ai été désorientée un bref instant, j’avais perdu mes repères – où étais-je ?
Ces objets m’ont parlé d’une intensité que j’avais cru avoir laissé au loin.

À Bruxelles, j’ai assisté un soir au vernissage de l’exposition de Marta Salto-Weis Azevedo Franchetti. Ses œuvres sont réalisées à partir de bouts de carton récupérés dans la rue.

Ces strates de papier reprennent vie dans ses tableaux : quelques lignes pour saisir l’essence de personnes « sans-noms » que Marta Salto-Weis rencontre dans la rue, dans les cafés…

J’ai pensé : avant, l’une des œuvres exposées était peut-être l’habitation de quelqu’un.

Marta Salto-Weis Azevedo Franchetti, « Clelia », 2019

Technique mixte sur papier, 65 × 59 cm, 2019 (avec l’aimable autorisation de l’artiste)

 

Multiplication de traces, de corps, d’identités, de souvenirs.

À Bruxelles, j’ai vu des niches habitées avec des tapis, des oreillers, ou juste un sac de couchage.

© Séverin Malaud, 2022

© Elisabetta Rosa

© Elisabetta Rosa

© Elisabetta Rosa

Il y a ici une certaine symétrie. Au milieu, la porte du garage.

À droite, un volume triangulaire à l’air innocent.

Une personne quelconque qui passe là devant ne se demande probablement pas la raison de cet ajout en fer. Sa violence reste inaperçue.

À gauche, un sac de couchage produit un effet miroir de l’hostilité de cette architecture du mépris. Je ne sais pas s’il y avait quelqu’un à l’intérieur.

Ce sac de couchage aurait pu s’installer à la place du volume triangulaire. Sans faire obstacle au passage de voitures. Parce que, quand on a construit cet immeuble, le volume n’existait pas. Il a été ajouté pour rendre la niche inhabitable.

© Elisabetta Rosa

Cette niche est habitée depuis 2016 (au moins).

Anthony Karkan, un étudiant de la Cambre, Option Architecture et Cinéma, a réalisé un film – « Cicatrices » – qui raconte de cette niche, des personnes qui s’y étaient installées et qui, un jour, sans préavis, se retrouvent éloignées, expulsées, leurs affaires emportées par les camions poubelles.
Le film nous montre cette niche qui, tel un échafaudage, permet la construction d’un nid. Mais ce nid s’effondre.

Anthony Karkan, « Cicatrices », 2016

https://www.architecturecinema.org/films?pgid=ktyhhvao-7db56972-7ae1-4fff-b3dd-f4d176b35d59

Parfois, on sort de la niche.

© Elisabetta Rosa

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